Les têtes colossales
Ann Cyphers (1995)
La tête 10 de San Lorenzo, avec son 1,8 m de hauteur, a été découverte le 3 mai 1994 pendant les recherches du projet archéologique de San Lorenzo Tenochtitlan. Actuellement, elle se trouve dans le musée communautaire de la congrégation de Tenochtitlan, Veracruz. Son aspect doux est rehaussé par le casque, le plus élaboré de tous ceux que portent les têtes olmèques.
Les têtes colossales Olmèques sont de très grandes sculptures monolithiques élaborées en pierre volcanique ; elles constituent l’un des vestiges archéologiques les plus notables mais les moins communs de la culture olmèque. Sa signification intrinsèque est le point de départ d’un faisceau d’ interprétations sur le développement culturel en Mésoamérique pendant la période préclassique inferieure et moyenne, de 1500 a 400 av. J.-C. Pour nous, ces monuments, et leurs contextes, illustrent l’institutionnalisation de la classe politique et sa légitimation parmi les Olmèques.
La récente découverte de la dixième tête colossale sur le site de San Lorenzo attire une nouvelle fois notre attention vers la civilisation Olmèque, la plus ancienne de Mésoamérique, dont le siège se situe dans la région comprise entre le sud de l’État de Veracruz et une partie du Tabasco. On a trouvé dans cette zone dix-sept têtes colossales.
Trois styles avec un air familier
La tête 9 de San Lorenzo, de 1,65 m. de hauteur, est un personnage souriant avec les joues marquées et de profonds sillons de part et d’autre du nez et de la bouche. Le casque contient des bandes ressemblant à des cordes et un dessin ondulé. Ce monument montre clairement l’individualité distinctive des têtes colossales. Elle se trouve au musée d’ anthropologie de Xalapa, État de Veracruz.
Le Monument Q de Tres Zapotes, avec 1,47 m de hauteur, est un personnage prognathe. Il présente un style différent de celui des têtes de San Lorenzo et de La Venta. Sa coiffe est formé d’une bande lisse et de dessins en bas-relief et il porte des bandes verticales qui tombent sur les oreilles stylisées. Il porte des oreillettes en forme de coquillage, qui perforent le lobe des oreilles.
Entre les principaux centres olmèques de la pleine côtière du Golfe du Mexique, le site de San Lorenzo (sud de Veracruz) a fourni dix têtes colossales. Les quatre têtes colossales de La Venta, dans le Tabasco, constituent un style différent ; celles qui proviennent de Tres Zapotes, dans l’État de Veracruz sont aussi différentes dans leur forme et leurs traits ; la tête de Cobata est unique par sa taille et son style. Beatriz de la Fuente a observé qu’ il y a trois styles bien définis de têtes colossales, qui correspondent aux trois capitales régionales, même si on observe entre elles un « air de famille ».
La hauteur des têtes colossales va des 1,47 m. à 3,40 m. Et leur poids de 6 à 50 tonnes. La pierre volcanique qui a été la plus utilisée est le basalte , il a été miné et transporté depuis sa source, dans les montagnes Tuxtlas. Le site de Tres Zapotes est situé sur le flanc de ces montagnes ; par contre, la distance depuis la source de lamatière première jusqu’à San Lorenzo – en ligne droite – est de 60 Km, et jusqu’à La venta, de 100 Km. La difficulté du transport de la roche est l’un des arguments les plus importants relatifs à la complexité de l’organisation sociopolitique des Olmèques, vu qu’il atteste l’existence d’une grande quantité de main-d’œuvre, mené e par des spécialistes de la technologie et l’ingénierie d’alors ; cela a exigé la contrainte et la coordination de centaines ou de milliers de personnes, qui ont abandonné leurs cultures et autres activités de subsistance et de production pour participer aux manœuvres. L’ échelle de l’effort que cela a représenté égale ou surpasse la dépense énergétique requise par la construction de l’architecture monumentale. Le déplacement de la pierre s’est fait par des voies terrestres, fluviales et peut-être maritimes.
La signification des têtes colossales reste énigmatique pour beaucoup de raisons. D’abord, les traits faciaux ont suggéré à beaucoup de gens que les Olmèques sont arrivés d’un autre continent pour peupler la côte du Golfe ; cependant, toutes les recherches archéologiques faites dans la zone nucléaire indiquent qu’ ils sont natifs de Mésoamérique, en raison de quoi les traits doivent avoir une autre explication. Les spécialistes sont d’ accord sur le fait que les têtes colossales figurent de personnages importants ; leurs opinions diffèrent toutefois quant à savoir s’ils représentent des guerriers, des joueurs de balle et/ou des gouvernants.
Le casque, présent pour toutes les têtes, semble être fait de cuir et porte des insignes de statut exclusifs de personnages importants ou de gouvernants : perles et ornements de pierre verte, plumes, glands, cordes et éléments anthropomorphes et zoomorphes qui définissent la personne représentée. Les motifs et éléments symbolisent souvent des oiseaux, comme dans les monuments 1 et 4 de La Venta et dans les têtes 2, 5, 7 et 10 de San Lorenzo. En tout, six têtes portent des éléments d’ oiseaux, ce qui pourrait indiquer l’ existence de dynasties familiales identifiées par un animal totémique. D’autres motifs répétitifs sur les casques et que nous associons au pouvoir sont les cordes, qui apparaissent sur sept des têtes de San Lorenzo (1,2,3,4,5,6 et 9), et qui étaient de fait considérées comme des outils indispensables pour la subsistance dans la jungle tropicale. La transformation d’objets quotidiens en objets cérémoniels est fréquente dans la culture olmèque, comme le démontrent les haches d’usage commun et rituel qui ont été trouvées.
Par sa constitution, toutes les têtes partagent une certaine ressemblance et une unité formelle qui les identifie. L’individualité de chaque une d’elles se manifeste dans les traits faciaux et dans leurs expressions particulières. Les grands visages représentent des hommes d’âge mûr avec les yeux légèrement enfoncés, la glabelle froncée, le nez épaté, les pommettes proéminentes, les joues flasques, les lèvres pleines et des lignes d’expression autour de la bouche. Les oreilles, de forme stylisée, portent toujours des oreillettes, soit coquillage, soit cylindres, anneaux ou pendentifs. Il y a de visages sobres, d’autres joyeux, et certains à la moue affable et au tempérament calme. Les yeux en amande tendent à montrer un strabisme bilatéral ; les paupières peuvent présenter un pli épicanthique, qui met en évidence les origines lointaines de cette population, descendants des immigrants qui ont traversé le détroit de Bering il y a 30 000 ans ou plus.
La nouvelle tête de San Lorenzo, la numéro dix, correspond aux caractéristiques mentionnées pour l’ensemble des têtes colossales. En outre, c’est une des plus belles et de plus élaborées. Elle montre un visage mûr et doux, presque souriant, avec de yeux en amande, strabiques ; elle porte un casque plein de perles légèrement carrées et une main-griffe avec trois doigts et deux bracelets. les perles du casque se prolongant dans la partie postérieure, plane, jusqu’à se dissiper.
La tête 8 de San Lorenzo, avec 2,20 m. de hauteur, se trouve dans un état de conservation exceptionnel. Elle occupe une place de choix dans l’ entrée du musée d’anthropologie de Xalapa. Ses yeux en amande au strabisme prononcé mettent en valeur un regard puissant. Le casque se définit avec deux bandes dont l’inferieure contient des boucles d’oreille en forme de crochets.
La coiffe et le visage du Monument 1 de La Venta, de 2,41 m. de haut, sont érodés et présentent des marques de mutilation intentionnelle en forme de stries. La coiffe est constituée d’une bande frontale et d’un élément en forme de U, duquel pendent trois crochets rappelant un ongle allongé. Il se trouve dans le parc-musée La Venta, à Villahermosa, État de Tabasco.
No hay comentarios:
Publicar un comentario