Des autels qui furent des trônes et qui devinrent des têtes

Des autels qui furent des trônes et qui devinrent des têtes

James Porter suggère que certaines des têtes ont été sculptées à partir des grands « trônes » monolithiques qui furent un temps appelés autels.

Plusieurs trônes des gouvernants olmèques ont une niche centrale avec une figure émergeant sur leur face avant. On aperçoit sur la face latérale des têtes 2 et 7 de San Lorenzo des vestiges de ces niches, ce qui indique que ces sculptures ont été réalisées à partir des trônes. Un examen minutieux des têtes révèle que leur partie postérieure est très plane, caractéristique qui peut avoir son origine dans la face supérieure originale du trône ; on observe aussi des différences dans le traitement ou la finition de la surface des têtes, comme le martelage et le polissage qui indiquent des phases sculpturales et changements dans les techniques de manufacture. Porter mentionne un cycle sculptural de trônes transformés en têtes, ce qui mettrait en évidence leur fonction de portraits des gouvernants.

Les recherches récentes à San Lorenzo, dans la zone où on a trouvé la tête 8, suggèrent que les têtes et les trônes étaient utilisées dans un contexte de pouvoir lié au gouvernement du lieu. L’association avec le monument 14, le trône olmèque le plus grand, et l’ architecture monumentale, renforcent cette interprétation.

En ce qui concerne le contexte des têtes colossales de San Lorenzo, l’information la plus récente indique l’existence de deux alignements nord-sud des têtes qui se répartissent sur la partie centrale du site. La nouvelle tête a été localisée dans un de ces alignements, qui en compte dès lors déjà quatre. L’agencement linéaire de trois têtes colossales à La Venta forme un axe est-ouest, au nord du Complexe A ; ces monuments étaient érigés, l’un tourné vers le sud et deux autres, vers le nord, ce qui indique une possible fonction commémorative avec des indications astronomiques.

Presque toutes les têtes colossales montrent un type de mutilation commis jadis, à des fins cérémonielles ou de réutilisation ; en témoignent les trous, estafilades, fractures, et cavités qu’elles présentent.

La différence du nombre de têtes qui proviennent de San Lorenzo, de La Venta et de Tres Zapotes mérite une mention spéciale ; bien que nous ne sachions pas combien d’entre elles restent enterrées, en ce moment, la majorité viennent de San Lorenzo. Dans ce site, l’insistance sur les portraits des gouvernants se distingue comme la caractéristique d’une société où le règne des familles dynastiques prit une grande importance. Les élites, placées au sommet d’ une société stratifiée, ont cherché à légitimer et à renforcer leur pouvoir en recourant à le sculpture monumentale. Les gouvernants morts furent sacralisés et considérés comme des médiateurs entre le passé mythique et leur moment, ce qui investissait leurs descendants d’un grand prestige social et renforçait leur droit à gouverner.